mardi 16 septembre 2008

Scission américaine.

S'il y a bien un aspect de la société américaine que je n'avais pas envisagé de cotoyer avant d'arriver en Louisiane, c'est cette scission -à la Nouvelle-Orléans- entre Noirs et Blancs. Tout le monde connaît plus ou moins cette histoire et cette réputation que trimballe malgré lui (ou pas) le sud des Etats-Unis, mais le phénomène de communautarisme est beaucoup plus marqué que je ne m'y attendais.
Au sein de mon collège par exemple, pour évoquer un cas concret et vérifié, les Africans Americans représentent 95 % des élèves ( et 5% d'asiatiques), 100 % de l'équipe de direction et 80 % de l'équipe enseignante.
La direction est animée d'un vrai désir que la communauté de ses élèves se montre à la hauteur de l'ancienne réputation de l'école ("Magnet School" *), et elle fait tout pour que le Black Student et ce qu'il représente, soit au coeur de toutes les préoccupations. Au point par exemple que le school board (comprenez, L'académie) décide de lui consacrer un stage de formation d'une demie-journée à la rentrée destiné à l'ensemble des professeurs des écoles publiques de la Nouvelle-Orléans, qui eux aussi répondent aux mêmes pourcentages. Intitulé : The Black Student. Extraits choisis : "Quelle est la pire insulte que vous ayez entendu au sujet d'un élève noir dans la salle des professeurs ?", "A votre avis, pour un élève noir, quelle est la plus belle couleur d'yeux?", etc. Série de questions dont je n'ai jamais vraiment perçu l'objectif.
Les deux premiers jours de classe, le sujet de conversation central était la présence toute inattendue de 2 élèves blanches "and blond!" au collège. Elèves que je n'ai pas croisées depuis.
La communauté Afro-Américaine est extrêmement combattive et très exigeante, mais elle répond à des données culturelles qui, pauvre petite française non-affranchie que j'essaye de ne plus être, m'échappent complétement.

Exemples :

- La religion fait partie intégrante de la vie quotidienne, jusqu'aux discours de la principale qui nous a parfois invités à la prière. Les élèves portent des croix par-dessus leurs uniformes et me questionnent beaucoup quant à la présence de Dieu en France et dans les écoles. J'ai beau tenté de leur expliquer le principe de laïcité, ils ont du mal à cerner la portée sinon l'existence de la chose.
- les élèves chantent en permanence. Loin d'être un cliché, mes élèves ne savent pas s'arrêter de chanter, en classe comme partout. Elles chantent pour la plupart excellemment bien et le club de chorale ne désemplit jamais. Ce qui, au début de l'année, m'apparaissait comme un manquement à une certaine discipline, n'est en fait qu'un outil dont il faut que je me serve. J'ai d'ailleurs moi-même chanté pour la première fois dans une classe avec des ados cette semaine.
- Ils parlent fort ! Moi qui ai une nette tendance ici au silence forcé (pour cause d'anglais dommageable), je suis toujours surprise des décibels déployés en réunion ou dans les couloirs par mes collègues et supérieurs. Et par mes élèves bien entendu, qui ne comprennent pas pourquoi je demande le silence alors que leur brouhaha est habituel et le bruit absolument acceptable sur leur échelle de mesure.
- Ils ne savent pas rester assis. Et ne savent d'ailleurs pas bien s'asseoir. Dans l'école d'Arnaud comme dans la mienne, les élèves ne demandent jamais l'autorisation de se lever pour aller chercher un mouchoir ou récupérer le stylo d'une copine. Chez moi, ils se lèvent pour tout et rien, sans volonté aucune d'enfreindre une quelconque autorité, juste parce qu'ils ne voient surement pas comment on pourrait leur interdire ce droit fondamental de pouvoir se lever.
- Ils sont trés tactiles, très chaleureux : il n'est pas rare lorsque l'on erre dans les couloirs de mon école, de voir un lycéen passer son bras autour du cou d'une enseignante pour faire passer la pillule de son retard, ou d'entendre une enseignante dire à une de ses élèves "You're late, baby". Ce sont des codes à intégrer, pourtant l'un de mes collègues (un de ceux qui fait parti des 20 %), présent bien avant Katrina, me disait que j'avais eu raison de stopper en plein élan un élève qui allait me prendre dans ses bras pour faire passer une autre pillule : "You are not his friend and don't let them do that." Chaque prof applique les codes qui lui paraissent culturellement les plus adaptés.

Il faut se montrer très souple je crois, dans une école publique américaine dans la mesure où vous devez néessairement intégrer les codes d'une culture et d'une communauté qui ne sont pas les vôtres et ne pas imposer aux élèves des pratiques qu'ils ne peuvent tout simplement pas comprendre, mais il faut aussi ne pas en appliquer aveuglément les principes : soyez de fer avec les élèves dès la première seconde et ne vous laissez pas tenter par l'approche à l'américaine du sourire aux yeux et amour dans le sourire. Une autre de mes collègues, coach de 2 de mes classes, disait à ce propos : "Let them think that you're crazy" ... Ce sera le mot de la fin.

* Magnet School : avant les ravages de Katrina et la fuite de ses professeurs, mon école était une magnet school, c'est-à-dire une école qui choisissait ses élèves. Tests, entretiens, etc. Aujourd'hui, il est encore écrit sur les uniformes "Magnet Secondary School", pourtant, le titre perdu, l'école ne choisit plus aucun de ses élèves...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

j'hallucine tt simplement....c la folie furieuse ca de laisser faire les elèves te prendre par le cou...putain ...oups pardon, purée, en france fais un truc comme ça, t'attérris ds les caves des cités du 9.3 baby oui!!!!!!!!!!

Anonyme a dit…

les clichés que l'on voit à longueur de temps dans les séries américaines ne sont donc pas exagérés ??

je trouve ça juste malsain et ça a tendance ( à mon gout ) à dériver vers le racisme

les blancs sont-ils victimes de discrimination ? ( élèves ou profs )

NOlaDArling a dit…

Vu qu'il n'y a aucun élève blanc, non, il n'y a pas de racisme anti-blanc, Steph. Pour le reste, on en parle hors sphère publique, hum.

Anonyme a dit…

ne t'inquiètes je n'ai pas d'arrière pensée ou d'idéologie pour le coup :)


je m'interroge de comment ça doit être là-bas.

NOlaDArling a dit…

Non, non, je sais qu'il n'y a aucune arrière-pensée derrière ton commentaire Stef ; je disais qu'on en parlerait hors espace public parce que si je dois répondre à ta dernière question, je préfère le faire en-dehors du blog...!!