mercredi 28 mai 2008

A vendre.

Il est des sites de ventes entre particuliers encore épargnés par les invasions asiatisantes qui produisent en série et vendent à prix cassés en faisant passer la mauvaise qualité par de l'occase : j'ai nommé, Le Bon Coin. On y propose ses meubles, après en avoir fait une gentille photo ; ses vêtements, après avoir les triés et avoir jeté ceux qui, vraiment, sont invendables ; son frigo, sa voiture, tout. Et comme dit mon père : "Tout se vend..." Nous avons donc écoulé par ce biais, un clic-clac élimé, des étagères IKEA surestimées, des rideaux feutrés et une machine à laver. Le produit financier de la vente atterrissant dans une boîte de chaussures vide ingénieusement éventrée pour recevoir les deniers de notre négoce. Fin juin, nous ferons un premier bilan en espérant que le total des billets glissés dans la fente sera au moins égale au prix hallucinant d'un billet d'avion, direction Bâton Rouge par Houston. Soit environ 800 euros. Personne n'aurait besoin de la collection complète des timbres à l'effigie de Léon Blum ?

samedi 24 mai 2008

DS-2019, Visa, rendez-vous à l'ambassade, etc.

Papiers from Louisiana enfin arrivés : enveloppe craft livrée par Fedex directement sur le lieu de travail (eh oui), contenant DS-2019, formulaire indispensable pour remplir tous les autres formulaires indispensables en prévision du rendez-vous au consulat. Rendez-vous qui conditionne l'obtention du visa. Visa qui détermine la validité de votre nomination à un poste en Louisiane. Conclusion : ne rien prendre à la légère et y réfléchir à trois fois avant de mettre l'accent sur votre deuxième prénom dans le formulaire I-30, formulaire qui doit être rempli à l'IDENTIQUE des informations notées dans le passeport. 
Donc, éviter les fantaisies graphiques à moins d'être sûr de pouvoir les noter sur tous les formulaires (ce qui est loin d'être une évidence grâce aux caractères d'imprimerie). Ne perdez pas non plus tout votre entrain si vous vous rendez compte que sur le DS-2019, votre deuxième prénom n'apparaît pas : ce n'est ni une erreur des responsables louisianais qui exigerait un retour de courrier immédiat pour une nouvelle refonte du formulaire en question, ni une erreur émanant de votre esprit dispersé : le DS-2019 ne fait tout simplement pas apparaître le deuxième prénom. En revanche, vous pouvez le noter sur le 1-30. Je vous ai entendu derrière votre écran, vous! Qui a dit "quel merdier" ??

Message from La Crosse, WI.


Ai reçu un étrange colis par la poste, provenant d'Amazon, LE site de commande de livres sur internet : Evidence invisibles, Américains et Français au quotidien. "Le malentendu culturel est difficile à reconnaître et à cerner, parce qu'il remet en question nos sentiments les plus "naturels", peut faire échec à nos mouvements les plus généreux, surgir dans nos relations personnelles les plus intimes, là où il est le moins attendu et peut donc faire le plus mal.", dit la quatrième de couverture. Ne me souvenant d'aucune commande de ce genre, j'ai examiné avec une minutie intriguée le bon de commande "déjà payée", sur lequel j'ai fini par lire un "A lire avant de venir, Greg."... Notre Greg. Notre intervenant américain au collège de Mulhouse, celui avec lequel nous avions fêté notre dernière nuit d'insouciance, la veille de son retour pour le Wisconsin il y a quelques semaines. Il pensait déjà à notre intégration américaine. Ce paquet m'a fait chaud au coeur. Je lui dédie ce souvenir d'un anniversaire franco-américain. 

Affectations

Liste éditée sur le site du codofil. Sommes mutés à la nouvelle-orléans. Visite paniquée sur la craigslist de nawlins et conclusion rapide : plus cher, plus de choix, quartiers à éviter, Bourbon Street à voir, tri nécessaire. Nawlins, on arrive.

samedi 17 mai 2008

Préparatifs de loin en loin

Nous sommes le 17 mai. Le préavis de notre appartement n'est pas posé depuis hier qu'une visite a déjà été effectuée. Un couple de fleuriste entre deux grosses transactions immobilières qui cherche une location de transition. Notre phénoménal couloir d'entrée leur a plu. Le balcon aussi. La déco. Ils s'y voient. Un peu trop pour nous, qui ne nous étions pas préparés à voir si tôt d'autres coucous au sein de notre nid. Mais ces oiseaux-là quittent une cuisine équipée high-tech... et ont donc besoin d'un frigo et d'une plaque électrique, strict minimum : ils nous reprennent tout l'électro-ménager. Sans évoquer une seule fois son prix. Nous aimons les coucous.
Ca, c'est fait. Nous nous sommes donc occupés des vêtements. Ces choses en tissu, laine, jean, que l'on accumule sans avoir jamais conscience que nous n'en portons qu'un petit cinquième. Alors on y retrouve des manteaux datant de la période des premières payes, chers et immettables ; des Levis 501 détendus pour lesquels on garde une affection toute pubère ; des pulls Benetton col-roulé de chaque couleur (les must de l'année 1996) ; des polos Lacoste devenus le critère de ralliement de ceux que nous appelons gentiment les élèves...  Bref, il a fallu faire un tri, remplir des sacs, jeter. Et mettre en vente. Belle aventure que ça aussi. Prendre de belles photos qui mettent en valeur une veste élimée, attribuer un prix, réattribuer un prix parce que la veste en question en se vend pas, attendre.
De loin en loin, toutes ces choses se préparent, s'agencent, avancent.
Et nous aussi.

vendredi 16 mai 2008

Sorry Spike


Merci à Spike Lee pour ce "NolaDarling" dans lequel il y avait tout :
rues brûlantes, odeur de friture, atmosphère.
C'est la Louisiane qu'on aimerait découvrir.
Sentir son histoire, ses repères en nous, qu’elle nous parle. J’aimerais qu’elle change tout, la notion de territoire, l’attachement au sol, qu’elle le déplace peut-être, que les gens viennent à nous, j’aimerais qu’elle suinte un monde nouveau cette Louisiane, un liquide collant d’euphorie.
A voir.

Alors voilà.

Depuis longtemps on cherchait un ailleurs, on cherchait perte de repères et chaleur nouvelle, on cherchait à se construire, à tester nos aptitudes à être seuls au milieu du monde. Et au hasard de l'histoire de 2 expatriés, on a découvert la Louisiane. L'obsession s'est cristallisée en quelques minutes et a donné naissance à l'objectif primordial : s'y engouffrer à tout prix.
Milles images nous ont tenaillé des mois durant, le temps nécessaire pour s'euphoriser, se questionner, se démoraliser, se préparer, en faire un secret et attendre. La déception était à la hauteur du fantasme lorsque l'on nous a appelé pour nous ôter une joie sincère. Nous ne pouvions nous y rendre au vu de mon statut administratif, trop défini. Je suis prof de français. Et ils avaient besoin d'instituteurs.
On s'est relancé dans la vie, la Louisiane en moins, dans l'attente des entretiens auxquels nous devions tout de même participer, comme un tir à blanc.Ce fameux entretien en anglais pour lequel nous avions si scolairement réouvert l'English Student Grammar.
Les semaines ont passé et contre toute attente, les deux remarques faites par un des responsables "Les chances sont minces mais elles existent..." et "Vous préférez la ville ou la campagne?", étaient bien le signe d'encouragement subtil auquel je m'étais d'abord refusé à croire pour éviter la chute trop brutale.
Nous avons appris notre bonne fortune le jeudi 1 mai à 2 h 45 du matin. La liste publiée sur le site de Saint-Codofil a dévoilé nos noms. Nous venions de quitter Greg, notre ami de La Crosse, qui après avoir passé un an en France pour enseigner l'anglais, retournait dès le lendemain dans son Wisconsin. L'ironie de la vie est terrible.
Nous venions d'acheter une voiture neuve, réserver nos vacances en Toscane, envisager de nous réinscrire au club de trompo-flutiste amateurs de Kruth.
On a vendu la voiture à un dénommé Tristan (qui s'est alors présenté sans son lierre, sans son Iseut), on a annulé les vacances en Toscane et dit adieu aux antipasti, et on a oublié les trompetteux.

Alors voilà. Aujourd'hui, nos vêtements sont pour la plupart emballés dans des sacs à destination d'Emmaus ou des gens du voyage (selon leur ordre d'arrivée à la benne prévue à cet effet), et nous arrivons enfin à nous réjouir et laisser de côté ce stress palpitant qui nous animait depuis l'annonce officielle.

Les vraies questions affluent aujourd'hui : Nola ? Louisiana ? Qui êtes-vous ?

Dans les semaines qui suivent, j'essaierai de répondre cette question centrale : qui est la Louisiane, cet état dans l'état, cette mixture moite et sourde qui colonise la peau ?