jeudi 2 octobre 2008

Les études supérieures

Aujourd'hui nous sommes jeudi, et comme chaque mercredi et chaque jeudi de la semaine, mon emploi du temps est modifié. Il faut savoir pour intégrer l'information, que les élèves américains ont le même emploi du temps tous les jours, le tout se découpant en 7 "periods". Même matière, même classe, même prof, mêmes horaires. Sauf le mercredi où les périodes impaires sont doublées et où les périodes paires sont supprimées, et le jeudi où c'est évidemment l'inverse. C'est pourquoi je déteste le jeudi. Avoir deux heures un groupe qu'on a du mal à supporter 10 minutes, c'est tout à fait détestable. Mais bref.
Aujourd'hui donc, alors que je m'apprêtais à faire réserve de patience, de calme et d'indulgence, une élève est venue me dire que tous les 8th grades étaient attendus à la cafétéria pour une intervention spéciale. Une chercheuse de l'Université de Tulane venait en effet leur exposer un programme conçu pour leur niveau visant à les impliquer dès maintenant dans la vie universitaire, ce qui, sur le papier, les amènerait plus facilement à poursuivre leurs études supérieures, du moins, à leur en communiquer l'envie. Il s'agit de consacrer pour eux 2 samedis par mois à l'université afin d'y profiter de sessions de rattrapage, d'approfondissement, de perfectionnement et de découverte dans les disciplines choisies.
Dans le gigantissime laps de temps où la coach tentait de faire taire les futurs ingénieurs, j'ai eu l'occasion de discuter avec cette femme si impliquée dans le devenir des élèves des écoles publiques de la Nouvelle-Orléans.
Enseignante pendant de nombreuses années, elle a décidé de prendre le mal à la source et de s'intéresser aux raisons pour lesquelles la grande majorité des élèves afro-américains ne poursuivent pas d'études supérieures et dans nombre de cas également, ne vont pas même au lycée. Je lui faisais part de mon impression concernant mes élèves, de voie sans issue au regard des difficultés qu'ils semblent rencontrer et du peu de moyens dont disposent les familles. Je lui disais qu'il n'y avait, après le collège, aucun établissement scolaire autre que le lycée ; pas d'enseignement professionnel, pas de formation en alternance. M'appuyant sur le seul éclairage argumentatif à ma disposition - la France, je lui disais qu'il était possible d'y poursuivre des études universitaires quand bien même l'on n'est pas "a great football player" bénéficiant à ce titre de bourses exceptionnelles. Ici, il faut être bon en sport ou à l'école ou n'être rien.

"This is exactly the thrue", m'a-t-elle répondu.

Forte d'études comparatives poussées entre les "Black students in America" et les "Black students in Great Britain", elle se désolait de ce que le Etats-Unis avaient à offrir à ces élèves qui pour la très large majorité ne feraient au mieux pas d'études supérieures, au pire n'iraient pas au lycée. Elle évoquait aussi la discipline qui en Grande-Bretagne encadre les élèves de façon très stricte et trés carrée, exigeant par exemple un silence total dans les classes, des élèves debout au début de l'heure, des "Yes, Miss Marple" à tout bout de questions, etc. Ce qui, dit-elle en jetant un regard à la ronde, n'est pas le cas ici et ne met pas les élèves dans de bonnes conditions de travail.

Cette femme m'a fait réfléchir. Le système français tel que je le connais, cette scission après le collège en deux voies scolaires distinctes (lycée général, lycée professionnel) ne m'apparaissait pas aussi évidente et nécessaire que je le conçois ce soir. Comment ne pas envisager que tous les élèves ne veulent pas et ne peuvent pas (moyens financiers, intellectuels, motivation) aller en high school (=lycée) et que donc, beaucoup se retrouvent à 13 ou 14 ans sur le marché du travail. C'est-à-dire sur celui du chômage et de la misère, financière, intellectuelle, etc.

Que feriez-vous, vous, à 14 ans, libéré de l'école ?

2 commentaires:

James a dit…

C'est pas exactement vrai; je ne crois pas que ce soit légal, dans n'importe quel état, de quitter le système scolaire à 14 ans. Normalement, les élèves afro-américains vont au lycée. Mais souvent, ils ne le finissent pas. Les lycées urbains ont typiquement des classes de 9e année énormes, mais vers la 12e année, les classes sont devenues beaucoup plus petites.

Le prix d'une éducation universitaire ici est effectivement cher, mais ce n'est pas le vrai obstacle. Il existe de nombreux programmes de l'assistance financière pour les étudiants pauvres (pas seulement pour les athlètes). Le plus grand problème est tout simplement qu'une majorité des élèves urbains quittent le lycée sans les qualifications nécessaires pour gagner l'entrée à une université. Le défi pour les enseignants urbains est de trouver une source de motivation pour ses élèves. Trop souvent, ils ne peuvent pas comprendre l'importance de leurs études.

NOlaDArling a dit…

Ca c'est juste : ils ne comprennent pas l'importance de faire des études universitaires - ou pas universitaires d'ailleurs, mais des études qui leur permettent d'accéder à un niveau de vie financier, intellectuel et professionnel décent - mais je suis tentée de dire pour ça : comme dans tous les pays! Les ados voient souvent très mal au-delà de leur nez et de leur petit présent.

J'ignore effectivement à quel âge minimal un élève a le droit de quitter l'école en Louisiane, mais cette femme me disait que beaucoup se retrouvaient pourtant dehors à cet âge-là. Pas une majorité, non, mais un grand nombre.

Et quand bien même ils vont au lycée et n'obtiennent pas les notes nécessaires pour aller en fac, je me faisais la réflexion que justement, c'est là que devrait intervenir une autre voie, une autre possibilité pour eux de poursuivre des études peut-être plus appropriées qui pour le coup correspondraient à nos BTS, IUT ou autre, et qu'on pouvait peut-être offrir à ces élèves un parcours prè-professionnel qui les y prépare, dès la fin de la middle school.

C'était juste une réflexion.